sanstitre-autoportrait_2.jpg’J’ai réalisé que la meilleure chose à faire n’est pas forcément de prendre mais de comprendre’ explique Lotta Hannerz. Elle a tenté de se dérober à l’art en étudiant la taxidermie et le design industriel, mais elle est toujours revenue à l’art. Ou bien, comme elle dit, l’art persiste à vouloir frapper à sa porte. Son travail s’inspire de l’idée que nous considérons souvent que tout va de soi. Comme disait Paul Valéry "une oeuvre d’art devrait toujours nous apprendre que nous n’avions pas vu ce que nous voyons". Cela semble être la dynamique de son art. Son autoportrait, par exemple, montre comment elle voit, et non pas à quoi elle ressemble, avec et sans ses lunettes. L’une des deux peintures est nette tandis que l’autre est floue, ce qui soulève la question du réalisme : quelle est la plus réaliste et pour qui ? Elle joue ainsi avec notre perception de la réalité et comment nous agissons en elle, comme dans son oeuvre ’By Hands’, où sa main gauche peint sa main droite et vice versa. Mais un sentiment ambigu ressort de cette netteté – la précision dans le détail suscite le trouble. C’est comme si ces faits se consumaient eux-mêmes. De quoi parle-t-on en réalité ? Un grand nombre de ces peintures sème le doute dans votre esprit et vous vous demandez s’il s’agit d’une image peinte de la réalité ou l’image peinte d’une image. ’Mes idées prennent naissance dans la brèche entre ce que je vois et ce que je crois voir. Même si la confusion ne dure qu’un instant. Ce qui m’intéresse, c’est de tenter d’enregistrer tout cela, de mesurer l’inconstance des situations. Une sorte de mesure intraordinaire, au fond si humaine’ ajoute-t-elle.

Ses œuvres les plus connues, ce qui en soi constitue une nouveauté dans l’art, sont des sculptures réalisées pour être exposées dans les eaux de Stockholm. Les sculptures pourraient faire partie du groupe d’art site specific, mais elles sont aussi interactives avec leur environnement, puisqu’elles bougent avec l’eau. La première de ces sculptures représentait un vieil homme debout sur un radeau entouré de bras oscillants et sortant de l’eau. En mai 2004, elle a mis à l’eau son dernier "mobile aquatique" dans le centre de Stockholm, une grande main qui pointe dans les directions choisies par le vent et les courants. Comme un monument à la gloire du moment.

Lars Axel Söderberg