Carton_Fre_de_ric_Lecomt.jpgDes mains omniprésentes sont tirées des images cinématographiques elles-mêmes, de leur masse de pixels. Ces mains qui tuent sont les mêmes qui, chez Frédéric Lecomte, déshabillent les images, laissant apparaître le blanc. Si le cinéma en était resté au stade du muet, cela aurait contribué à créer une sorte de thesaurus d’anthropologie visuelle où la main seule actrice, serait devenue maîtresse du jeu en touchant juste du doigt le blanc des surfaces, Ce lien réconciliateur entre vidéo et cinéma, entre le mouvement et l’inanimé, entre l’arrêt et la promesse de départ manquait. Frédéric Lecomte élabore des carnets vidéo exécutés à la vitesse d’un croquis, le croquis d’une image qui bouge.

Que pose donc Frédéric Lecomte dans son dernier opus ?

Toujours la même chose à ceci près que son dessin ou son trait capture des images cinéma, des images télé, une somme d’images qu’il réactive quand il les découpe et les vide. C’est ce décorps qui est exposé. La vidéo se joue comme le théâtre de l’équivoque, comme l’équivoque même du théâtre. Le vrai et l’illusion sont donnés à voir dans un même mouvement de don et de retrait. De ces images détourées, contours de silhouettes ou plutôt de squelettes de l’image devenue sans ressemblance, nous ne voulons plus savoir ce qu’elles veulent montrer mais ce qu’elles ne montrent plus. Squelette d’une image cinéma, pour ce dernier il s’agit là de son certificat de présence. En a-t-il besoin ? Sans doute, car négocier avec les images c’est aussi négocier avec le réel : Lecomte s’y emploie en ne conservant ainsi que le bref effet de choc, coups de feu et étreintes inlassablement répétés comme les deux seules figures de style d’une imagerie qui ne connaît que 2 arguments pour se vendre, le sexe et la mort.*

*Philippe Dagen in Le Monde, 17 juin 2005