gilles_3.jpgPour sa nouvelle exposition à la galerie Papillon, Elsa Sahal poursuit ses expérimentations formelles inédites, où le travail de la terre cuite -parfois considérée par certains comme un médium dépassé ou étranger à l’art contemporain- retrouve une vigueur surprenante.

Ses sculptures sont le résultat alchimique d’un univers de travail où se sédimentent des documents, des planches de dessins, des croquis préparatoires, diverses influences liées à l’actualité ou à l’imaginaire intime de l’artiste (et dont l’atelier garde toujours ici ou là quelques traces) qu’elle sublime dans une pratique très particulière du modelage.

Ce qui surprend toujours dans le travail de l’artiste, c’est sa capacité à donner corps à des formes autonomes qui semblent vivre dans un monde étranger au nôtre. Les Momies par exemple, bandelettes de terre construites autour du vide, ironisent joyeusement sur l’histoire de la sculpture figurative, en se posant avec détachement dans des attitudes lascives et égoïstes sur le sol de la galerie. Solitude Monument représente un petit homme couché avec le sexe dressé, mais au visage littéralement écrabouillé par une forme disproportionnée aux rondeurs féminines. L’ Archipel moderniste qui tient à la fois de la maquette d’architecture et de la sculpture se réfère directement au constructivisme de Malévitch, alors que Le grand futuriste, comme son nom l’indique quant à son rapport à l’histoire, déploie des trésors d’inventions formelles pour se dérober à un éventuel mouvement ascendant.

Dans la série des Iles, l’artiste cherche à étendre son univers au sol, non pas en hauteur, mais en largeur. Les sculptures semblent avoir « poussé là », elles se répondent sous formes d’échos plastiques, et prolifèrent. Il faudrait quasiment emprunter au vocabulaire du jardinage, du « repiquage », pour en rendre compte.

L’univers d’Elsa Sahal procède en somme d’une sorte de folie préméditée: Le Gilles, par exemple, dans son autorité charnelle, est un souverain sans tête. Il trône au centre d’étranges sculptures courtisanes qui chorégraphient l’espace.

Généralement couvertes avec une fausse nonchalance d’émaux polychromes, les sculptures de l’artiste se parent des couleurs les plus inattendues et raccompagnent au placard toute idée reçue sur le bon usage de la céramique.

Elsa Sahal ne cède jamais à la facilité de l’énonciation : c’est une artiste têtue dont les œuvres empoignent ce qu’il reste au monde ; disons, la sensualité.

Gaël Charbau.