2010_Ste_phane_VIGNY.jpgStéphane Vigny nous place ici au cœur d’une esthétique complexe, qui emprunte à la ruralité, au pavillonnaire, à la vue du bord des routes, et ; mine de rien, emmène les entités qu’il y prélève vers un devenir-art dont on se demande s’il n’a pas toujours été leur vocation. Pour Mallarmé Le monde est fait pour aboutir à un beau livre, Stéphane Vigny ne fait qu’en décliner l’hypothèse dans son registre.

Avec un soin maniaque dont le résultat lui paraît rustique, il assemble, réinvente, désosse et redéploie la teneur des éléments du réel qu’il a choisis. En vérité, l’aspect délicat de ses constructions de sens, minutieusement et irréprochablement "finies" atteint de fait la réalisation conceptuelle la plus exigeante.

Stéphane Vigny propose pour la première fois nombre d’objets construits de toutes pièces. D’ordinaire cet artiste détourne des objets existants mais encore identifiables, encore présents et presqu’indemnes. Ici la dénaturation est plus radicale. On identifie les formes, mais l’échelle, le matériau, la fonction sont altérés avec une outrance inédite. L’objet est-il grandi ? Même après réduction ? Il connaît en tous les cas une transformation qui lui donne un nouveau statut. Il devient une nouvelle entité, peut-être même dotée d’une variété d’esthétique pure.

On voit ça et là dans les pièces des accointances avec l’abstraction, ou le surgissement d’une teneur émotionnelle incongrue dans un produit fini qui relèverait plutôt du design (in)utilitaire, qui dépasserait la plaisanterie par un grand bond sémantique. Le travail de Stéphane Vigny peut faire sourire qui y reconnaît la référence artistique, historique, sociologique, mais, comme tout ce qui est véritablement drôle, il est on ne peut plus sérieux. Prendre à César avoue tout de l’audace d’un emprunteur fondé dans ses larcins par le fait qu’il rend au centuple.