Hreinn Fridfinnsson
To spin and swing you need a beatdu 9 octobre au 20 novembre 2010
printLa nouvelle exposition personnelle de Hreinn Fridfinnsson à la Galerie Claudine Papillon est un voyage aller-retour entre la surface des choses et le centre de la terre. Sa cohérence réside, comme souvent dans le travail de cet artiste, dans ses paradoxes.
La video Eye nous accueille, nous entoure et nous piège dans un jeu optique triangulaire en alternant les vues rapprochées d’un œil et de la vision depuis cet œil. De part et d’autre de cette image, deux miroirs convexes, jumeaux, se reflètent, et la mise en abyme qu’ils constituent rappelle la circularité possible du regard, la déformation du réel par la rétine, et donne le ton.
La sphère, forme finie et infinie, est celle de notre monde dont le fil à plomb a pour fonction de désigner le centre. Également suspendu, le pendule de Foucault complète cette verticalité d’un mouvement qui traduit celui de la terre, son rythme et sa temporalité cyclique. En lui faisant abattre, tels des soldats en ordre, une ronde de petits éléments métalliques, Hreinn Fridfinnson le laisse rendre un son bref, récurrent, implacable. Ce son, « beat » évoque le battement du cœur, la scansion musicale, mais, réduit à une singularité froide et installé dans le dispositif scientifique du pendule, il propose essentiellement une représentation du bruit initial dont tout est issu, le Big bang.
A l’instar de la terre, le danseur tourne sur lui-même, autour d’un axe, mais il le fait les pieds en l’air. Est-t-il « tombé sur la tête » ou simplement situé aux antipodes ? Son accoutrement symétrique semble privilégier la deuxième hypothèse. La révolution, au sens de rotation pourrait bien se faire dans tous les sens. La pièce Corner, accrochée à l’horizontale et parallèlement au sol, porte deux marques du signe ∞ (infini). L’une est en creux, l’autre en relief. On peut assembler cette pièce avec son double, en imbriquant un ∞ négatif et un ∞ positif. L’angle ouvert devient de la sorte un carré fermé, bouclant la boucle d’une bien étrange quadrature du cercle.
Aux antipodes l’un de l’autre, on trouve aussi les signes + et – et surtout les notions qu’ils véhiculent. Hreinn Fridfinnsson les présente ici face à face, à l’inverse des visages de Janus dont ils ont pourtant la contrariante complémentarité. More or less, signifie, dans le langage courant, une certaine équivalence. Plus ou moins, on ne sait pas. Pour ce qui est du savoir, on balance, tel le pendule, on change de point de vue comme le danseur. On ouvre et on ferme des hypothèses successives, des opinions, des livres. Dans la vaste vidéo projetée sur le mur du fond, les livres s’ouvrent sous l’effet de la bourrasque. Disséminés dans la prairie, ils restent rivés au sol et leurs pages s’affolent sans qu’aucun fragment ne s’en détache, sans que ne soient révélés leur contenu et son devenir. La connaissance assemblée dans ces ouvrages est tout à la fois gravité et évanescence.