Didier Trenet
Championne de descentedu 7 janvier au 25 février 2012
printOn pénètre dans cette nouvelle exposition de Didier Trenet sur un air de triomphe. De l’ensemble agencé ici, le titre programmatique augure la teneur parfaitement équilibrée, donc idéalement digeste : 50% d’exploit, 50% de ridicule, au sens grand siècle de ce terme. Le travail de Didier Trenet naît faste, et étale sur maints supports l’accouplement impudique d’une maîtrise technique éhontée avec l’art de la plaisanterie : "De quoi une exposition sonne t-elle le rassemblement, ici ? De pompes, assurément… D’esprits, sans doutes… De lectures, opportunément" avoue-t-il.
Il y met en effet autant d’éclats - de verre - que de chutes - de reins - et une myriade d’autres petits riens sertis ça et là dans le monde flottant de la référence classique.
Sans complètement déflorer l’esprit buissonnier de Didier Trenet, on peut dire qu’il s’adonne à un travail méticuleux quoique totalement débridé, qui use de l’exercice de style à la fois comme hommage sincère à ses précédents, et comme critique frontale de la fatuité. Etant donné que ce travers est commun à toutes les époques, la manière de Didier Trenet n’est pas une pratique passéiste qui se gausserait uniquement du temps présent. Bien au contraire, elle puise dans les formes consacrées les éléments d’une critique sociale toute contemporaine.
Les motifs qu’on y reconnaît d’étape en étape sont autant d’évocations des valeurs dégradées installées dans nos habitudes : figures de l’autorité détrônées par l’ordinaire, majesté grignotée par la désuétude, honneurs délavés en lavis.
Et, enfin et surtout, si ces formes mortes que sont les slogans, les cahiers d’école pleins de déliés et les emprunts à la culture iconographique sont ranimées ici, c’est pour fêter, dans un grand rire rabelaisien, les bonheurs inépuisables de la chair et de la bonne chère, seuls à mériter des pompes qui ne soient pas funèbres.
L’esprit nouveau n’avait pas encore pris toute son assurance. Mais c’est précisément à cette époque là qu’Ulrich put lire tout à coup quelque part (et ce fut comme un coup de vent flétrissant un été trop précoce), ces mots :
"un cheval de course génial".
Ils se trouvaient dans le compte rendu d’une sensationnelle victoire aux courses, et son auteur n’avait peut-être même pas eu conscience de la grandeur de l’idée que l’esprit du temps lui avait glissée sous la plume.
Ulrich comprit dans l’instant quel irrécusable rapport il y avait entre toute sa carrière et ce génie des chevaux de course. Le cheval, en effet, a toujours été l’animal sacré de la cavalerie; dans sa jeunesse encasernée, Ulrich n’avait guère entendu parler que de femmes et de chevaux, il avait échappé à tout cela pour devenir un grand homme, et voilà qu’au moment même où, après des efforts divers, il eut peut-être pu se sentir proche du but de ses aspirations, le cheval, qui l’y avait précédé, de là-bas le saluait.
"L’homme sans qualités" Robert Musil, 1930