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Raphaëlle Peria
Fluo Bleaching

3 octobre - 19 décembre 2020

À l’occasion du PARI(S) : la semaine de l’art

DIMANCHE 18 OCTOBRE
14h-18h Ouverture exceptionnelle avec marais.guide

JEUDI 22 OCTOBRE
19h-20h Nocturne des galeries avec la Fiac

DIMANCHE 25 OCTOBRE
14h-18h Ouverture exceptionnelle avec LE PARI(S)

19 OCTOBRE > 1er NOVEMBRE
Viewing rooms avec Artsy

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Pour son 2ème solo show, Raphaëlle Peria propose un ensemble d’images autour du coral bleaching, le blanchiment du corail : une altération de la pigmentation des coraux créée par un stress thermique. Une fois la photographie grattée, ils ne sont plus que des formes qui semblent flotter hors de leur milieu naturel.


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Entretien entre Gaël Charbau et l’artiste – été 2020

Gaël Charbau : La série d’œuvres que tu présentes à la galerie Papillon marque une nouvelle étape dans ta pratique, quel a été son point de départ ?

Raphaëlle Peria : En début d’année, j’avais pour projet de partir à Tahiti pour rendre visite à une association avec laquelle je suis en lien, qui tente de sauvegarder des coraux en permettant à tout le monde de les parrainer. Ils protègent et font pousser les coraux grâce à des couveuses, puis les réintroduisent ensuite dans leur environnement naturel. Je devais y réaliser des photos, qui sont toujours la base de mes œuvres, pour les retravailler à mon habitude. Le confinement a bouleversé mes plans… ! Je me suis donc décidée à faire la tournée des aquariums pour constituer une banque d’image de ces coraux, que j’ai photographiés dans ces environnements "fictifs". Les aquariums se sont révélés très intéressants comme point de départ, car ce sont des espaces composés, mis en scène, comme des dioramas, avec une présence très forte de la lumière qui affirme les couleurs.

G.C. : C’est en effet la première sensation que l’on éprouve, cette présence nouvelle de la couleur dans ton travail...

R.P. : J’en avais très envie ! Les coraux offrent une très grande variété de textures et de matières. Ma technique de grattage de l’image photographique fait toujours ressurgir la blancheur du papier, dans cette nouvelle série j’ai voulu pour la première fois introduire directement la couleur, et donc la peinture.

G.C. : Il y a deux séries, l’une où la peinture est traitée en aplat qui vient créer comme des "taches" dans l’image, et l’autre où tu as peint des sacs plastiques sur des photographies en noir et blanc. Peux-tu m’expliquer ton procédé ?

R.P. : Pour les images de sacs plastiques, pour la première fois ce ne sont pas mes photographies. J’ai collecté des vues sous-marines libres de droit sur internet. J’ai ensuite établi une collection de photos de sacs : je les ai isolés et placés par montage dans les fonds, puis je les ai peints, directement sur la photo. Pour les images en noir et blanc, j’ai parfois creusé la surface avant de la peindre. J’ai travaillé avec la peinture Flashe, qui est à mi-chemin entre la gouache et l’acrylique et qui fonctionne parfaitement avec la surface des tirages photos.

G.C. : Le fait d’amener la peinture en aplat rend l’image presque complètement abstraite et lui ôte sa profondeur, un peu comme dans la perspective dite "étagée" que l’on retrouve chez les primitifs et dans différentes civilisations…

R.P. : Oui, on éprouve aussi cette sensation de collage dans les formats assez grands. Et comme je travaille toujours avec de petits outils, on perçoit certainement moins qu’avant cette texture triturée de l’image. On se perd plus facilement dans l’œuvre qui devient un véritable paysage à parcourir, un espace.

G.C. : Mais ce qui est paradoxal, c’est que ces sacs plastiques deviennent dès lors très esthétiques… 

R.P. : J’aime jouer sur cette ambiguïté, j’ai fait en sorte de créer ces taches allusives pour qu’on ne puisse pas immédiatement voir qu’il s’agit de sacs plastiques. Le titre de l’exposition, Fluo Bleaching, vient du terme "coral bleaching" que l’on utilise pour parler du blanchissement du corail, qui meurt notamment en raison de notre impact environnemental. C’est aussi pour cela que j’ai intitulé la série Les voleurs de couleurs, c’est un peu comme s’ils venaient voler toute la couleur des coraux…

G.C: Depuis quand date cet engagement écologique dans ton travail ?

R.P. : Je crois que ça date de ma première exposition à la Galerie Papillon, lorsque j’ai choisi l’endroit où je prenais les photos. J’ai commencé à recenser des écosystèmes dont j’ai envie de parler. Ça a commencé avec les ruines d’Ephèse et d’Angkor, lieux où l’on perçoit la dualité homme/nature, et comment cette dernière reprend ses droits. Ensuite, je me suis orientée vers des sites où sont visibles les changements climatiques ou la surexploitation des ressources sur un écosystème. Les dernières séries que j’ai réalisées ont pour sujet les marécages du nord de la France (Narcissus in Flores) où j’ai pu faire des recherches sur des plantes disparues. Une autre série (Aridatis et Inundatio) est dédiée à une cité thermale implantée à côté d’un lac en Argentine où je suis allée l’année dernière. Des entrepreneurs corrompus y ont construit une digue mais en détournant une partie de l’argent… La construction n’a pas résisté à l’immense inondation qui a dévasté la ville et l’a plongée 14 ans sous l’eau… Il y a quelques années, l’eau a commencé à se retirer et j’ai photographié les premières plantes qui émergent de ces ruines que l’on découvre au fur et à mesure. J’essaie de donner du sens aux voyages que je fais, et mon travail témoigne désormais de cette prise de conscience.

G.C : Tes images sont pourtant assez ambiguës, car même si dans cette nouvelle série la peinture est un élément "artificiel" ou exogène, elle en devient fascinante, créant une surprise visuelle qui enrichit beaucoup l’image photographiée… 

R.P. : C’est vrai, mais ces "taches" viennent aussi jouer en contraste avec la blancheur maladive du corail. Les titres des œuvres sont par ailleurs les noms latins des coraux présents sur l’image, à la façon d’un relevé scientifique. Le corail meurt notamment en raison du réchauffement de l’eau. Il est normalement habité par des polypes, qui migrent ou qui meurent à une certaine température, raison pour laquelle le corail perd toute sa couleur. J’ajoute donc pour la première fois de la matière "peinture" pour souligner la richesse vitale de ce qui est photographié.

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Diplômée de l’École européenne supérieure d’Art de Bretagne en 2014, Raphaëlle Peria (1989) est sélectionnée pour la bourse Révélations Emerige en 2015 et participe à l’exposition Empiristes, commissariat de Gaël Charbau. En 2017, elle est lauréate de la 8ème édition du Prix Science-Po pour l’Art Contemporain, la Galerie Papillon lui consacre sa première exposition personnelle et expose son travail sur le salon APPROCHE (Paris) à l’invitation de Léa Chauvel-Lévy. Après avoir été présentée en focus sur Drawing Now Art Fair 2019, Raphaëlle Peria bénéficie de la 1ère carte blanche faite à un artiste par le Drawing Hôtel. Elle a par ailleurs effectué récemment plusieurs résidences et a participé à différents group shows principalement en Bretagne. Fluo Bleaching est son 2ème solo show à la galerie.