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Charles Le Hyaric

Azar Azur

Prolongation jusqu’au 20 juin 2020

Dans l’exercice du dessin, il faudrait savoir visualiser, projeter, s’accrocher à (une image). On apprendrait à manier le crayon ou le pinceau parce qu’on aurait le désir de pouvoir enfin donner forme à ses rêveries nocturnes, esquisser le visage d’un inconnu croisé fortuitement, se remémorer les teintes d’un paysage qui nous est cher. Fut un temps, Charles Le Hyaric a lui aussi aimé scruter pour ensuite reproduire, tâcher d’aboutir à une forme idéale préméditée. Mais d’autres processus créatifs ont depuis plusieurs années supplanté cette recherche naturaliste. 

Ses méthodes laissent désormais une place prédominante au hasard – dirigé – et tolèrent qu’il grignote l’espace comme le temps. D’abord, il y a l’aléatoire de la collecte des matériaux. Au gré de ses marches, de ses déambulations urbaines comme dans les calanques qui jouxtent Marseille, il glane de menus objets, de petites pierres ou encore des morceaux de cordages, des fragments de bois des bateaux. Mais Charles Le Hyaric est aussi un collecteur d’images et de paysages : le bleu du ciel ou des vagues, la viscosité et la grâce des animaux marins réapparaissent dans ses œuvres. Il n’est plus question de les reproduire, plutôt de les faire advenir par indéterminations successives. On imagine, ici un poulpe, là une raie ou des algues. Bientôt cependant le doute s’immisce: ne spéculerait-on pas sur l’incertitude ? Ensuite, le hasard s’infiltre également au cœur des gestes de l’artiste. Il y a des papiers qu’il plonge dans l’eau de mer, des végétaux qu’il empreinte sur des feuilles épaisses, la poudre de cuivre qu’il répand sans savoir où elle se fixera, les objets trempés dans le plâtre et qui se métamorphosent. Il y a aussi le goût pour la rencontre, celle dont on ne sait si elle aboutira à une harmonie ou à une répulsion : ainsi ses mélanges de peinture à l’huile, d’essence de térébenthine et d’eau de javel. On hésite à définir les formes : les imbibitions peuvent très bien rappeler des combustions. On se représente volontiers des mélanges alchimiques secrets, des procédés complexes de recouvrements ou d’exhumations. Enfin, le hasard s’insinue également dans les temporalités des œuvres : l’oxydation croît, la cristallisation se poursuit.

Mais si le vivant paraît encore et toujours gagner du terrain au sein du travail de Charles Le Hyaric, il faut aussi en voir toute la puissance romantique : après tout, la javel ne tue-t-elle pas la moindre velléité organique ? Et le sel ronge, le plâtre étouffe. Il y a bien un bouillonnement, mais il n’est pas clinquant. Mieux : il se chuchote. 


Camille Paulhan - février 2019 


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Diplômé de l’École supérieure d’Art Graphique Penninghen en 2010 et des Beaux-Arts de Paris en 2017,
Charles Le Hyaric (1987) vit et travaille à Marseille. Il a réalisé plusieurs installations et sculptures monumentales in situ dans le cadre d’expositions collectives, notamment à l’Académie des beaux-arts de Riga et à la Galerie Continua – Les Moulins. En 2018, la fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon lui consacre une exposition personnelle dans son nouveau lieu, La FabriC à Annecy. Il participera à la première biennale dédiée à la jeune création organisée en juin 2020 au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole, avec l’ESADSE et Art Press.