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Linda Sanchez


À main levée
8 octobre – 19 novembre 2022
vernissage samedi 8 octobre, 15h - 20h

 

Pour la deuxième exposition personnelle de Linda Sanchez à la Galerie Papillon, à l’automne 2022, l’artiste présente plusieurs corpus d’œuvres récentes, investissant sans exclusive dessin, vidéo, sculpture, peinture, unies par le feu et l’extinction.

Si "le feu est le phénomène objectif d’une rage intime, d’une main qui s’énerve", ainsi que l’envisageait Gaston Bachelard, que dire de la main levée ici par Linda Sanchez sur des matériaux dont l’inertie est soudainement percutée par le geste de l’artiste?

Conçues en grande partie au cours de l’été 2022, qui restera peut-être comme un moment inaugural, et augural, de la cuisante acuité du drame contemporain dans tous ses dégagements thermiques, les œuvres ici réunies portent en elles la trace d’énergies épuisées, de chaleurs incendiaires, de guerres lasses, autant qu’elles témoignent d’une résistance voire d’un élan accouplant dextérité et désinvolture.

C’est d’abord une main légère qui agit ici : chaque geste affirme une égale indétermination de départ, aucun passif n’encombre la liberté créative ; et chaque résultat instaure avec surprise un nouveau départ, de nouveaux possibles, rebattus l’instant d’après sur la tabula rasa des contingences de l’atelier.

La vidéo qui donne son titre à l’exposition en témoigne d’emblée : la marque du feu agit à l’aveugle, sans autre souci que la jouissance du déroulement, sur la page blanche débobinée et rembobinée, d’une trace composant une partition indélébile. Si le mouvement est une entité non préméditée, comme le proposait Len Lye, l’animation du dessin relève ici d’une force vitale qui accepte, dans sa vive allure, de ne pas savoir où elle va, pourvu qu’elle accompagne sa brièveté d’un éclat sans retour.

L’atelier de Linda Sanchez se peuple des résultats de séries entières d’expériences, de tentatives, d’observations, dont pourtant aucun instrument de mesure autre que les œuvres elles-mêmes ne vient enregistrer la proximité avec un quelconque but prédéfini.
Immédiatement figé dans l’incarnation, et validé pour tel, chaque essai assume une part aussi bien d’irréversibilité que d’individualité.

Ainsi des plaques de plâtres dans l’épaisseur desquelles s’étouffe une frappe explosive : libérées de leur secret, qui s’expose ici à la vue, les cicatrices empreignent chaque peau martyre d’un tracé différent, tantôt concentré comme un feu d’artifices, tantôt épars comme un jet de mégots, tantôt encore oblong comme la mèche d’une dynamite.
Avec une remarquable opiniâtreté, Linda Sanchez adresse les points aveugles des destinées d’artistes : les répétitions-variations qui émaillent les réalisations de l’artisan répondent ici aux protocoles et aux trouvailles qui fondent la ténacité du scientifique, pour former des familles dont Linda Sanchez s’arrange avec malice.

Résultant d’un phénomène physique de capillarité éclatant la couche supérieure de deux ciments aux temporalités différentes, les Pains doivent leur voluptueuse satisfaction aussi bien à la mécanique des fluides qu’à l’évocation proustienne.

Mêlant également méthode scientifique et mémoire commune, l’un des carottages de macadam de l’artiste s’érige en jalon vertical, sans que l’on puisse trancher si la peinture l’emporte ici sur la sculpture. Ce que l’archéologie dit au futur, ce que la strate prend à la masse, ce que la marge fait de la page, sont des opérations chimiques, intuitives, dont l’art seul peut sans doute témoigner.

C’est que Linda Sanchez affirme ici, avec l’air de ne pas y toucher, une série de paradoxes : la force peut se dévoiler sans épreuve ; la rigueur n’empêche pas le tâtonnement ; l’archéologie peut se faire à fleur de peau ; la flottaison n’entretient qu’un rapport lointain avec la surface ; la ligne la plus fidèle entre héritage postminimal et humour pop peut se tracer à main levée.

Jean-Christophe Arcos